DÉFRICHAGE
UN PONT ENTRE DEUX RIVES
Friches industrielles, bâtiments à l’abandon sont les jachères de nos espaces urbains. Le temps semble nécessaire avant un nouvel investissement de ces lieux. La société dans sa modernité quelque peu pataude ne semble pas capable de se les réapproprier immédiatement. Parenthèse expiatoire ou période de deuil, une respiration s’impose, avant d’envisager de nouveaux projets, de nouvelles réalisations.
Ainsi les usines Renault de l’île Seguin furent à l’abandon durant de longues années, avant d’être détruites. Elles apparaissaient comme le vestige muséal d’un passé glorieux, d’un monde ouvrier en voie d’extinction. Un autre lieu singulier existe à Nanterre ; il s’agit d’une ancienne école primaire dont il ne reste que les murs d’enceinte sise entre l’arrière de la faculté et l’ A86. Ce lieu est investi par des graffeurs, plasticiens, photographes, vidéastes et un couturier du bâtiment. Il y règne une étrange sérénité, due à la richesse des activités créatrices.
À ce poids de l’histoire d’activités humaines disparues, s’ajoutent des décors singuliers, réalisations d’hommes de Lascaux des temps modernes, telle une armée de l’ombre créant la lumière. Ils produisent des œuvres futuro-archaïques, faisant surgir de nouvelles icônes, de nouvelles idoles, tels des démiurges générant un nouveau panthéon.
Les aérosols de peinture abandonnés sur les lieux attestent de la richesse et de l’abondance de ces activités créatrices. Au fil du temps, les oeuvres se superposent, les voiles de peinture s’accumulent. Certains espaces particulièrement travaillés laissent apparaître une épaisseur de couches de peinture de l’ordre du centimètre. Les murs deviennent, à l’occasion de nouvelles réalisations, d’immenses palimpsestes, papyrus contemporains. Le poids des œuvres sous-jacentes se fait sentir par le jeu de transparences. Les dernières œuvres semblent puiser force, noblesse et profondeur dans les réalisations antérieures.
Ces images ont été réalisées dans trois lieux distincts :
Elles sont le fruit d’une activité d’extraction de plusieurs années. Puisées dans ces lieux magiques, où les œuvres des graffeurs sont utilisées comme des palettes de couleurs et de formes éphémères. La finalité était de faire apparaître des sens cachés, des images pouvant mettre en résonance les œuvres de maîtres passés tout en cherchant à capter le présent. Et, peut être, dans ce mélange créer par ce travail une autre vision.
Bertrand Montigny
Voir Galerie - Villa violet